massacre

massacre et massacrer Si massacrer peut s’employer à propos d’une seule personne, massacre ne s’utilise que pour des exécutions ou des meurtres en grand nombre.


Massacre et massacrer viennent du latin populaire °matteuc(c)ulare, « tuer en frappant avec acharnement », lui-même issu de °matteuca, « massue ». Le premier trait sémantique de ces mots est donc celui de « mise à mort sauvage1 ». L’idée de nombre, de masse vient rapidement s’y greffer. Massacrer peut toutefois s’appliquer à une seule personne, comme l’atteste Vaugelas dans un ouvrage posthume datant de 1690 :

Massacre ne se dit pas si proprement d’une personne que de plusieurs, si ce n’est que cette seule personne ait reçu plusieurs coups & qu’on se soit comme acharné sur elle. Massacrer au contraire se dit mieux d’une seule personne.

Claude Favre de Vaugelas, Nouvelles Remarques de M. de Vaugelas sur la langue françoise, p. 441.

Cette règle est confirmée et précisée par Voltaire en 1771.

Un massacre signifie un nombre d’hommes tués. Il y eut hier un grand massacre près de Varsovie, près de Cracovie. On ne dit point, il s’est fait le massacre d’un homme ; & cependant on dit, un homme a été massacré ; en ce cas on entend qu’il a été tué de plusieurs coups avec barbarie.

Voltaire, Questions sur « L’Encyclopédie », par des amateurs, vol. VIII, p. 66.

Il est donc correct de dire :

 La foule a massacré un innocent de façon abjecte

mais non :

 Le massacre de cet innocent par la foule est abject

auquel on substituera :

 La mise à mort sauvage de cet innocent est abjecte.

Sources :

  • Dupré (Paul), Encyclopédie du bon français dans l’usage contemporain, 3 vol., Paris, Éd. de Trévise, DL 1972.
  • Grand Larousse de la langue française, sous la dir. de Louis Guilbert, René Lagane et Georges Niobey, 7 vol., Paris, Larousse, 1986.
  • Richelet (Pierre), Dictionnaire françois contenant les mots et les choses, Genève, Jean Herman Widerhold, 1680.
  • Vaugelas (Claude Favre de), Nouvelles Remarques de M. de Vaugelas sur la langue françoise, éd. Louis-Augustin Alemand, Chez Guillaume Desprez, 1690.
  • Voltaire, Questions sur « L’Encyclopédie », par des amateurs, 9 vol., s. n., 1770-1772.