éreuthophobie et érythrophobie
Éreuthophobie1 vient du grec ereuthos, « rougeur », et phobos, « crainte ». Érythrophobie est issu du grec eruthron, « rouge », et phobos, « crainte ».
Il ne faut pas confondre ces deux termes, comme le font certains dictionnaires2. L’éreuthophobie désigne la crainte obsessionnelle de rougir en public ; l’érythrophobie, la peur de la couleur rouge.
C’est en 1869, sous la plume de Ferdinand Hoefer (alias Jean l’Ermite), qu’on relève pour la première fois le mot érythrophobie, « peur de la couleur rouge ».
Le neurologue Albert Pitres et le psychiatre Emmanuel Régis adoptèrent le terme pour décrire l’obsession pathologique de la rougeur, mais rapidement ils se rendirent compte que érythrophobie, en raison de son étymologie, ne pouvait acquérir ce nouveau sens. En 1896, à l’occasion du VIIe Congrès français des médecins aliénistes et neurologistes, ils inventèrent donc le vocable éreuthophobie.
Nous aurions désiré nous abstenir de baptiser cette obsession, parce que nous estimons que la nomenclature des phobies est déjà suffisamment longue et que nous n’avons aucun goût pour les néologismes médicaux inutiles. Cependant, pour nous conformer à un usage aujourd’hui établi, comme pour la commodité du langage, et à condition qu’on ne voie pas là le désir d’ériger un simple syndrome en maladie nouvelle, nous proposerons une dénomination à cette obsession. Tout d’abord, nous la désignions entre nous par le nom d’érythrophobie. Mais ἐρυθρόν voulant dire simplement couleur rouge, érythrophobie ne pouvait signifier que phobie du rouge et non de la rougeur, d’où une source de confusion possible. Précisément l’un de nous a observé une dame qui, entre autres phobies, présente celle de la couleur rouge, à ce point qu’on a dû enlever de sa chambre tous les objets de cette teinte. Il y a donc là deux phobies très distinctes l’une de l’autre : la phobie du rouge, la phobie du bœuf ou du taureau, qu’on peut appeler l’érythrophobie, et la phobie de la rougeur, à laquelle on pourrait donner le nom d’éreuthophobie, de ἔρευθος, rougeur de la honte.
Albert Pitres et Emmanuel Régis, Les Obsessions et les Impulsions, Octave Doin, p. 153-154, n. 1.
L’année suivante, lors du XIIe Congrès international de médecine, Louis Boucher contesta la justesse du terme éreuthophobie et proposa celui de érythémophobie.
Tout d’abord je proposerai une légère rectification à l’appellation que Mr. Régis a donnée à cette phobie et, pour la régularité de la construction grammaticale, il conviendrait, d’après l’avis d’un helléniste distingué, M. Burnouf, de la désigner sous le nom d’Érythémophobie, le vrai mot grec exprimant la rougeur du visage produite par un sentiment vrai ou faux de pudeur étant ἐρύθημα.
Louis Boucher, « Érythémophobie », dans Comptes-rendus du XII Congrès international de médecine, vol. IV, p. 83.
Ce dernier mot ne sera toutefois jamais adopté.
Sources :
- Académie nationale de médecine, Dictionnaire médical de l’Académie de médecine [en ligne], éd. 2010, Académie nationale de médecine, 2016 [consulté le 8 octobre 2017].
- Base historique du vocabulaire français [en ligne], Analyse et traitement informatique de la langue française/CNRS/Universités Nancy-I et Nancy-II, 2001 [consulté le 8 octobre 2017].
- Boucher (Louis), « Érythémophobie », dans Comptes-rendus du XII Congrès international de médecine, sous la dir. de Wilhelm Roth, Moscou, I. N. Kouchnérev, 1899, vol. IV.
- Grand Robert de la langue française (Le), sous la dir. d’Alain Rey, 2e éd., 6 vol., Paris, Dictionnaires Le Robert, DL 2001.
- Hoefer (Ferdinand), « Revue scientifique », L’Illustration, 25 septembre 1869.
- Larousse, Grand Larousse universel, 15 vol., Paris, Larousse, DL 1982-1985.
- Larousse, Le Petit Larousse illustré, éd. 2010, Larousse, 2009.
- Pitres (Albert) et Régis (Emmanuel), Les Obsessions et les Impulsions, Octave Doin, 1902.