linceul et suaire
Linceul vient du latin linteolum, « petit morceau de toile de lin », mot dérivé de linteum, « toile de lin », lui-même issu de linum, « lin ». Suaire vient du latin sudarium, « mouchoir ».
Linceul et suaire, dont on a fait des synonymes, ne recouvrent pourtant pas au départ la même réalité. Si le linceul reste un drap dans lequel on ensevelit les morts, le suaire désignait quant à lui le mouchoir ou la serviette destinée à essuyer le visage. La pièce de tissu (improprement appelée « saint suaire ») censée avoir enveloppé le corps du Christ à sa mort et conservée à Turin depuis 1578 est donc en raison de sa grande taille un linceul, tandis que la petite étoffe qui aurait recueilli la sueur et le sang du Christ et qui est gardée à Oviedo est un suaire1. Martine Courtois a expliqué cette confusion dans les termes :
Plus spécifique, le suaire se distingue d’abord du linceul dans son origine. Le latin sudarium, emprunté par le grec du Nouveau Testament sous la forme soudarion, signifie « linge pour s’essuyer, mouchoir, serviette ». Mais dans l’Évangile de Jean, et dans lui seul, le mot désigne plus spécialement un linge placé sur le visage du mort (Lazare, en 11, 44 ; le Christ, en 20, 7), pour en absorber les suintements. Les autres évangélistes, eux, ne parlent que d’un drap de lin, sindôn, mot grec transcrit tel quel en français, le sindon, pour nommer le linceul du Christ. On a fini par confondre les deux tissus en prenant le soudarion, le mouchoir que Jean mentionne, pour un linceul. Cette origine a cependant influencé l’usage de suaire, qui désigne exclusivement le drap des morts, alors que linceul signifie « drap » en général.
Martine Courtois, Les Mots de la mort, p. 269.
Sources :
- Clercq (Jean-Maurice), La Passion de Jésus : de Gethsémani au sépulcre, Paris, François-Xavier de Guibert, DL 2004.
- Courtois (Martine), Les Mots de la mort, Paris, Belin (coll. « Le Français retrouvé »), DL 1991.
- Rinaudo (Jean-Baptiste) et Gavach (Claude), Le Linceul de Jésus enfin authentifié ? Enquêtes après les récentes découvertes sur le linceul de Turin, François-Xavier de Guibert, 2010, p. 14.