positiver

L’usage de ce verbe au sens de « rendre meilleur » ou « faire preuve d’optimisme » est parfois critiqué.

Positiver figure actuellement dans les dictionnaires avec la mention critiqué. L’Académie française le condamne. Pourtant, ce verbe est moins lourd que d’autres, comme émotionner ou solutionner, et a le mérite, contrairement à ces derniers, de ne pas se substituer à des verbes déjà existants (émouvoir et résoudre). En outre, il n’est pas sans équivalent dans la langue française. Activer, formé à partir de actif, a aussi un emploi intransitif (familier) au sens de « se rendre actif », « se dépêcher ».

S’il n’y a pas de raison de bannir positiver, on l’évitera néanmoins dans la langue soutenue.


Positiver, verbe transitif, se rencontre dès 1832 avec la signification de « fonder sur la connaissance des faits, sur l’expérience scientifique ».

Il faut positiver l’éducation comme tout le reste, il faut ouvrir la source des faits aux jeunes convictions tout aussi méfiantes sur ce point que celles des pères.

« Instruction publique », L’Européen : journal des sciences morales et économiques.

En 1835, positiver se pronominalise. Son acception est « s’attacher au réel, au matériel ».

Prends garde, Eugène, l’heure du romantisme passe vite, ne laisse pas à ta Malvina le temps de se positiver.

Félix Davin, Histoire d’un suicide : mœurs du nord de la France, vol. II, p. 333.

C’est en 1873 qu’on relève son premier emploi absolu. Dans l’extrait suivant, positiver signifie « adopter la conduite d’un positif, c’est-à-dire être matérialiste, utilitariste et ne s’appuyer que sur les faits ».

Qui fait aller le commerce, est un grand homme : que ce soit par des expédients qui doivent perdre un jour le commerce et l’État, son troupeau n’a ni le temps d’y faire attention, ni la perspicacité nécessaire pour le prévoir, occupé qu’il est à positiver.

Gustave Loüis, Gog et Magog, p. 121.

Au début du xxe siècle, le verbe s’impose dans le domaine scientifique et, plus particulièrement, médical, où il signifie « rendre manifeste la présence de l’élément ou de l’effet recherché ». Il faudra attendre les années 1970 pour que positiver se dote de son acception actuelle, « rendre positif », « améliorer ».

Bref, offrir la possibilité de positiver l’expérience d’un cinéma se faisant, car la chose la plus intéressante au monde est bien de filmer un comédien dans son travail.

Joël Santoni, « Les yeux fermés », L’Avant-Scène cinéma.

Contrairement à ce qui est parfois affirmé, Carrefour n’a inventé ni le terme positiver ni même son sens moderne1. En revanche, l’enseigne d’hypermarchés est à l’origine de son emploi intransitif et de sa diffusion massive à partir de 1988.

Avec Carrefour je positive !

« Historique. 1988 », dans Carrefour.

Certains pensent que Carrefour a préféré le néologisme à l’utilisation de l’adjectif positif en raison de la récente découverte du virus du sida. Rien n’est moins sûr2.

En tout cas, en 1993, le verbe positiver est lexicalisé par Le Petit Robert puis, en 2000, par Le Petit Larousse dans son acception moderne et ses emplois transitif et intransitif.

Sources :

  • Académie française, « Dire, ne pas dire », Académie française [en ligne], Académie française, s. d. [consulté le 8 octobre 2017].
  • Carrefour [en ligne], Carrefour, s. d. [consulté le 10 octobre 2017].
  • Clerc (Christine), « La semaine de Christine Clerc », Le Figaro magazine, samedi 10 septembre 1988.
  • Davin (Félix), Histoire d’un suicide : mœurs du nord de la France, 2 vol., Paris, Librairie de Werdet, 1835.
  • Girodet (Jean), Pièges et difficultés de la langue française [PDF], Paris, Bordas (coll. « Dictionnaire Bordas »), cop. 2007.
  • « Instruction publique », L’Européen : journal des sciences morales et économiques, 8 septembre 1832.
  • Larousse, Le Petit Larousse illustré, éd. 2000, Larousse, 1999.
  • Larousse, Le Petit Larousse illustré, éd. 2016, Larousse, 2015.
  • Loüis (Gustave), Gog et Magog, Paris, Édouard Dentu, 1873.
  • Nouveau Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Le), sous la dir. de Josette Rey-Debove et Alain Rey, nouvelle éd. remaniée et amplifiée, Le Robert, DL 1993.
  • Petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française (Le), éd. 2015, sous la dir. de Josette Rey-Debove et Alain Rey, Paris, Le Robert, DL 2014.
  • Slakta (Denis), « “Cocooner”, c’est glauque ! », Le Monde, vendredi 13 janvier 1989.